XV
Celestia pista la route de sa sœur plusieurs heures encore. Son chemin passait au travers de plusieurs bâtiments et l'aînée suivait fidèlement son itinéraire.
Pour exemple, un autre symbole avec une flèche indiquait qu'elle avait visité une espèce de chateau avec des tours anormalement penchées par rapport à la base. En prospectant attentivement l'enceinte, elle remarqua que tout était correctement meublé par rapport à ce qu'elle avait vu les heures précédentes. Quoique... plusieurs séries désordonnées d'escalier menaient aux étages supérieurs. Elle emprunta celui le plus proche du centre de la pièce, et trouva en haut la statue d'un arbre desséché, avec des runes gravées dans son tronc lisse. Une lueur vert malade s'en dégageait et illuminait la pièce. Il y avait un miroir morcelé également, qui attira son attention. Celestia réassembla les pièces puis activa l'enchantement.
Elles émirent une image fracturée de Nightmare Moon. Ses yeux erratiques témoignaient clairement de son agitation et de ses troubles. Elle murmurait grondement.
"J'envisageais, ma sœur, l'éventualité où tu trouverais ce message."
Ses pupilles erraient dans ses orbites. L'échine de Celestia frémit quand elle comprit que Nightmare Moon parlait étant couchée, en position fœtale.
"J'ai construit cet endroit, rien que pour toi, Celestia..."
Elle ricanait tandis que la sœur aînée balayait la pièce du regard.
"Je sais que je ne te parle plus beaucoup, dernièrement. Les jours se ressemblent tellement ici... Construire... me détruit, à petit feu... Parfois, j'aimerais mourir... si tu me l'accordais..."
Tout d'un coup, à travers les éclats, à travers même le voile du temps, son regard croisa ceux de son aînée.
"Cet exil que tu m'as imposé est un châtiment pire que la mort, Celestia. J'espère seulement que tu en es consciente."
Elle ajouta. "Je te hais, ma sœur, et je me suis promise de te torturer de toutes sortes de manière horrible. Mais vois-tu, malgré ma haine, je me serais lassée de ton agonie avec le temps. Je m'étais promise donc de t'achever au bout de quelques années... ou quelques mois.
"Ça, par contre !" Elle hurla d'un coup. "C'est d'une cruauté que je n'aurais moi-même jamais pu concevoir ! Une cruauté de ta bonté !
Dans sa folie, elle se mit subitement à pleurer. "Mille ans, Celestia ! Tu aurais dû me tuer !"
Ses yeux bouillaient d'une rage tourmentée. Celestia compatissait à la souffrance de son némésis et tremblait dans sa propre culpabilité. L'image disparut tandis qu'elle laissait retombée, sanglotante, les tessons de verre au sol.
Elle s'apprêtait à partir quand elle aperçut au dernier moment un symbole solaire, avec une flèche notant la présence d'un autre miroir, encore intact. Elle se surprit de ne pas l'avoir vu tout de suite, puis s'assit.
Elle le fit léviter jusqu'à elle avant de l'activer. Luna apparut cette fois-ci, et elle semblait nerveuse.
"Nous... Je... je priais pour que tout ceci ne soit pas réel... mais je me dois de regarder la vérité en face."
Ses oreilles en tombèrent. "J'ai échoué, n'est-ce pas ? J'ai cédé à la jalousie et laissé la plus sombre part de moi-même m'avaler. Je suis devenue... Elle, c'est ça ?"
Celestia caressa le mirroir, comme pour désespérément consoler le reflet de sa cadette à travers le temps. Cette dernière souffla fébrilement.
"Je me suis rappelé d'une guerre... de la mort. Nous nous sommes vraiment battues, ma sœur ?"
Elle hoqueta dans son sanglot. "C'est pour ça que je suis ici ? Parce que tu as banni mon ego démonique sur la lune ? Je ne te blâmerai pas, même si... ça signifie que tu ne me secoureras pas..." Ses beaux yeux saphirs pleuraient franchement, tandis que son masque de stoïcisme se brisait sous un sourire d'agonie. "... Pas plus que je ne pourrai t'atteindre."
Elle respira longuement à nouveau pour retrouver son calme. "Je dois rester concentrée. Je dois absolument trouver un moyen de te contacter et te prévenir."
Celestia reposa délicatement le miroir et s'essuya ses larmes pour se redonner courage. Après tout, elle avait vu un autre symbole lunaire par la fenêtre, signe que Luna avait continué, signe qu'elle n'avait pas perdu espoir.
Alors elle non plus ne le devait pas.