03. Scène II
COZY GLOW, CHRYSALIS
CHRYSALIS : Soit, nous n’avons pas besoin de lui. Qu’il aille explorer, si cela lui chante !
COZY GLOW : Qui aurait besoin d’un tel rabat-joie ?
Elles se regardent, gênées, ne sachant que faire.
CHRYSALIS, après un silence : Et si…
COZY GLOW, en même temps : Ma foi…
CHRYSALIS : Excusez-moi, que proposez-vous ?
COZY GLOW : Non, je ne voulais point vous interrompre. Qu’alliez-vous dire ?
CHRYSALIS : Honneur à la plus jeune.
COZY GLOW : Honneur à la reine.
CHRYSALIS : Je n’en ferai rien, je vous écoute.
COZY GLOW : Je n’en ferai rien, quelles sont vos pensées ?
CHRYSALIS : Mes pensées sont d’écouter les vôtres.
Elles ne disent rien pendant un moment.
COZY GLOW : Eh bien… (Elle sort un jeu de cartes de sa crinière) Nous pourrions jouer à "Poney & Ponillons", les règles sont très simples.
CHRYSALIS : Pourquoi pas.
COZY GLOW, en battant les cartes : Venez, ce sera amusant. Pour commencer, on distribue trois cartes au premier joueur, et le deuxième lui donne la moitié de ses pièces…
CHRYSALIS : Des pièces ? Mais nous n’en avons aucune...
COZY GLOW : Ce n’est pas grave, on peut les remplacer par des pommes ou des pierres. Après avoir donné ses pièces, s’il a un brelan ou une quarte, il peut crier : "Ponillon doublé", et dans ce cas, le premier joueur doit lui rendre le tiers de ce qu’il a reçu. Vous suivez ?
CHRYSALIS, perdue : Oui, tout fait sens.
COZY GLOW : Ensuite, le troisième joueur tire une ou sept...
CHRYSALIS : Troisième joueur ?
COZY GLOW : Évidemment, sinon que ferait… (Elle pointe l’endroit où Tirek se tenait). Ah...
Elle s'arrête, laisse tristement retomber son sabot et fait tomber les cartes par terre.
CHRYSALIS : Donc ?
COZY GLOW : On ne peut y jouer qu’à trois ou douze joueurs.
CHRYSALIS : Ah. Et vous ne pouvez en imaginer une variante pour deux ?
COZY GLOW : Non…
CHRYSALIS, après un silence, avec un enthousiasme forcé : Mais je me rends compte que nous n'avons jamais pris le temps de converser : comment êtes-vous devenue la jeune pégase fort accomplie que j’ai devant moi ?
COZY GLOW : Oh, vous savez bien : j’ai erré de ci de là dans ma pauvre vie, et un matin, je me suis rendu compte que faire le mal n’était pas si mal que ça…
CHRYSALIS : Allons, allons, cessez donc de broyer du noir, nous avons une éternité de captivité à remplir !
COZY GLOW : Mais resterons-nous vraiment ici pour toujours ? Quel est le sens de tout ceci ? Pourquoi une telle torture ?
CHRYSALIS : Toutes choses doivent-elles forcément avoir un sens ? Nous sommes ici des suites de nos actions. Mais si nous fussions plus prudents, nous aurions peut-être eu une chance...
COZY GLOW : Ma chère, rien ne sert de ressasser le passé ; pensons plutôt à l’avenir : qu’allons-nous faire durant ces millénaires qui nous attendent ?
CHRYSALIS : Au contraire, tirons leçons de nos erreurs : pourquoi fûmes-nous défaits ? Ainsi, quand nous reviendrons, nous vaincrons à coup sûr.
COZY GLOW : Vous nourrissez encore un espoir de retour ? Rien ne pourrait nous libérer, à part une abdication aux sentiments que ces poneys partagent.
CHRYSALIS : Assez ! J’ai déjà aperçu le déclin de mon peuple suite à une telle décision, et jamais je ne m’y plierai. Pour revenir à mon point, j’affirme qu’avec une meilleure préparation, la victoire eût été assurée.
COZY GLOW : Ah, de quelles douces illusions vous vous bercez, mais n’oubliez pas : par deux fois j’échouai à m’opposer à nos adversaires, et autant pour Tirek, là où quatre fois vous vous inclinâmes.
CHRYSALIS : Assez d’algèbre ; peu importe le nombre de chutes quand un seul succès suffit, et la prochaine bataille sera la dernière.
COZY GLOW : Ainsi, vous insistez ? Très bien, analysons : le produit de nos forces semblait infini, mais le traître se soustrayit au dernier moment (nous le doublâmes, mais il complexifia tout de même l’équation) ; puis, avec toute la magie d’Equestria engloutie, pensant notre avancée inarrêtable, nous fûmes frappés par une inconnue que nous n’avions pas prise en compte : la magie de l’amitié. Notre hypothèse s’avérant erronée, l’ensemble créé par nos ennemis l’emporta. Rendez-vous compte : toute la magie du monde était plus faible que seule l’amitié ! Calculez, factorisez cela tant que vous voulez, le résultat est précis : jamais nous ne l’emporterons.
CHRYSALIS : Mais enfin, une erreur a dû se glisser dans votre raisonnement. Comme vous l’avez mis en évidence, je suis revenue quatre fois, sans abandonner. La détermination, ma petite, la détermination est la seule chose qui compte, avec une conviction inébranlable en son point de vue.
COZY GLOW : Donc, je ne pourrai vous raisonner ; eh bien soit. Il s’avère donc que j’avais non seulement sous-évalué le pouvoir de nos antagonistes, mais aussi que je ne m’étais pas aperçue de votre esprit borné.
CHRYSALIS : Vous avez le front de me manquer de respect de la sorte ? Sortez le nez de votre arithmétique ; j’ai gouverné un royaume et conquis de nombreuses terres. Et vous, qu’avez-vous accompli de si remarquable ?
COZY GLOW : En effet, je n’ai comme vous une grande gloire révolue, ce qui ne rend mon échec qu’imputable à mon inexpérience. Ne le voyez-vous donc pas ? Vous êtes dépassée, finie, oubliée !
CHRYSALIS : Vous avez de la chance que ce lieu m’ait ôté mes pouvoirs, sinon...
COZY GLOW : Vous me menacez ? C’est tout ce que vous savez faire : parler, mais jamais agir. Savez-vous ce que vous êtes ? Le poney qui veut se faire aussi gros que le dragon !
CHRYSALIS, tentant de l’attraper : Venez par ici, que je vous écrase !
COZY GLOW, fuyant en riant : Attendez, une dernière énigme : qui a la langue bien pendue, mais ne fait que brasser de l’air ?
CHRYSALIS : Revenez ici !
Elles sortent de la scène en se pourchassant.